Piégeage du frelon asiatique : quelle attitude adopter ?

« Tueur redoutable », « véritable fléau », « invasion » contre laquelle il faut lutter : les qualificatifs pour décrire le frelon à pattes jaunes (ou frelon asiatique) ne manquent pas. A chaque printemps, les appels au piégeage massif sont nombreux. Ils apportent au mieux leur lot de contre-vérités, au pire l’application de mesures contre productives voire délétères pour la biodiversité dans son ensemble.

Anisostica%20novemdecimpunctata%20%281%29

Frelon : de qui parle-t-on ?

Les frelons appartiennent à la famille des guêpes (les Vespidés). Le frelon européen est très probablement arrivé d’Asie il y a plusieurs milliers d’années, tandis que le frelon à pattes jaunes (ou frelon asiatique) a été introduit accidentellement en France en 2004, par le biais du transport international.

Ils sont très différents : le frelon européen est reconnaissable à sa tête, son thorax et ses pattes rousses ainsi que son abdomen jaune vif rayé de noir.

Le frelon à pattes jaunes est également jaune, mais sa tête et son thorax sont noirs. La base des pattes est noire, avec l'extrémité jaune, d'où son nom commun de « frelon à pattes jaunes ». Son abdomen est à dominante noire et présente une large bande orangée.

En savoir plus sur les frelons, leur cycle de vie, leur alimentation, leur rôle, etc.

Pourquoi le frelon à pattes jaunes pose-t-il problème ?

Le frelon à pattes jaunes, comme le frelon européen et toutes les guêpes, nourrit ses larves de protéines animales : insectes (guêpes, mouches, papillons, araignées), chenilles, cadavres... 159 espèces différentes ont été identifiées dans son régime alimentaire. Tous les deux sont des prédateurs de l’abeille mellifère.

Alors pourquoi le frelon à pattes jaunes suscite-t-il autant de réactions ? Par son mode de chasse : généraliste et opportuniste, il cible des proies localement abondantes, comme les colonies d’abeilles domestiques. Ces dernières sont souvent déjà affaiblies par le manque de nourriture et les pollutions. Capable de vol stationnaire, il se poste à une vingtaine de centimètres de l’entrée de la ruche. Bien positionné, il guette les butineuses qui reviennent chargées de pollen, et qui sont donc moins rapides, pour les saisir et nourrir ses larves des parties les plus riches en protéines. Par sa présence, il met en stress toute la ruche.

Pour s’en défendre, les abeilles domestiques d’Asie se regroupent autour du frelon et, en vrombissant des ailes, font monter la température jusqu’à 45°C, au-delà de laquelle le frelon meurt. Les nôtres n’ont pas (encore) de technique de défense.

L’impact du frelon à pattes jaunes peut donc être fort, avec un préjudice souvent important pour les apiculteurs, d’autant qu’il se cumule avec un effondrement des colonies constaté depuis les années 90*. Ces derniers tentent donc de protéger leurs ruches en piégeant les futures fondatrices (les pondeuses, aussi appelées reines) dès le mois de février.

frelon_asiatique%20Vespa%20velutina%20nigrithorax%20en%20maraude%20by%20el%20chip

En quoi le piégeage des futures fondatrices au printemps peut-il être contreproductif ?

Il n’est pas scientifiquement prouvé que ce piégeage des fondatrices permette de diminuer le nombre de nids. Des études menées par le Muséum national d’histoire naturelle ont montré que les femelles fondatrices se concurrencent et se battent à la sortie de l’hiver pour installer leur nid. C’est à cette période que la mortalité est la plus élevée. Piéger certaines fondatrices revient en réalité à limiter la compétition, et n’est pas efficace pour limiter le nombre de nids. Mieux vaut donc laisser s’installer cette concurrence naturelle au printemps car elle occasionne la mort de nombreuses fondatrices. Il est ensuite possible de gérer l’impact des quelques nids installés à proximité des ruches en posant des pièges (et pas n’importe lesquels) et ainsi capturer les frelons qui attaquent les abeilles à la sortie.

Un piégeage pas si sélectif

Les pièges à frelons à pattes jaunes sont présentés comme étant sélectifs, donc sans impact sur les autres insectes que celui visé. Un appât attire la cible, et un système de filtrage leur permet théoriquement de sortir du piège ou de ne pas y entrer. Néanmoins, plusieurs études ont démontré que dans nombre de pièges (cloche et bouteille), jusqu'à plus de 99 % des insectes capturés n’étaient pas des frelons, mais des syrphes, papillons, mouches, frelons européens ou même des abeilles mellifères. Même s’ils arrivent parfois à ressortir, ce passage dans le piège peut influencer leur survie ou leur fécondité. Les campagnes de piégeage non sélectifs menées depuis des années pourraient donc « avoir un impact négatif sur les insectes et le bon fonctionnement des écosystèmes plus important que celui du frelon lui-même ». Alors que l’on constate un effondrement de la biodiversité en général et des populations d’insectes en particulier, le risque est trop conséquent.

Alors quelles solutions adopter face au frelon à pattes jaunes ?

Rappelons tout d’abord que le frelon à pattes jaunes n’est pas plus agressif qu’une abeille et que sa piqûre ne présente pas plus de danger pour les personnes non allergiques. Il pose donc principalement problème aux apiculteurs, professionnels ou amateurs.

Si le besoin de réguler les populations est inévitable car les ruchers sont attaqués, il est conseillé de ne poser de piège qu’aux abords des ruches, à la bonne période (pas avant la fin du printemps), en sélectionnant attentivement le type de piège.

Mieux, d’autres solutions permettent d’éviter l’utilisation de pièges tout en protégeant les ruchers :

  • Une cabane grillagée de maille 5,5 mm sous lesquels placer les ruches, pour réduire le stress des abeilles (consulter les plans du modèle d’Emmaüs Lescar Pau) ;
  • Un filet ou une volière grillagée, sous laquelle placer les ruches. Elle peut être fabriquée avec un filet fixé sur des montants de serre ;
  • Une muselière, qui ajoute un sas sécurisé d’entrée dans la ruche, protégée par un grillage ;
  • Une harpe électrique, qui limite la prédation en électrocutant les frelons.

Par ailleurs, il est inutile de détruire les nids à la fin de l’automne ou en hiver. Vidés de leurs occupants, ils ne seront jamais réinvestis. Si la destruction est nécessaire en cours de saison, il ne faut pas utiliser de pesticides. Si jamais il n’y a pas d’autres solutions, il est alors impératif d’évacuer les résidus pour éviter l’intoxication de la faune (oiseaux, etc.) et de l’environnement.

Enfin, le problème est aussi lié à la pollution, la destruction des habitats et la perte des ressources alimentaires qui touchent les abeilles mellifères et les affaiblissent, faisant d’elles des proies faciles pour les prédateurs. En modifiant notre consommation et en renaturant massivement les espaces de nature, des jardins aux espaces verts en passant par les bords de route, chacun de nous peut contribuer à améliorer leur situation, et celles de tous les pollinisateurs en général.

Savoir si un espace de nature est accueillant pour les pollinisateurs avec le diagnostic pollinis’Actions

Vous souhaitez en savoir plus sur le frelon asiatique ?

*Maxim et van der Sluijs, European Environment Agency, "Late lessons from early warnings : Science, precaution, innovation. Vol II", 2013

Crédits photos : Hugues Mouret - Arthropologia, "Vespa velutina nigrithorax: en maraude" by el chip is licensed under CC BY-NC-SA 2.0.